Parallèlement, deux autres équipes d’astrophysiciens et planétologues, en majorité françaises, ont approfondi l’étude de l’environnement sur cette exoplanète : si les radiations de son étoile risquent d’avoir érodé les gaz présents initialement, il est possible qu’une atmosphère et de l’eau aient perduré. Sous certaines conditions, encore hypothétiques, la planète pourrait même héberger de l’eau liquide à sa surface et être potentiellement propice à la vie. Leurs résultats sont accessibles en ligne sur l’archive ouverte arXiv.

C’est, par définition, l’exoplanète la plus proche de nous jamais découverte : Proxima b tourne en effet autour de Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche du Soleil, à seulement 4,2 années-lumière. Mieux : cette exoplanète, découverte par une équipe internationale de chercheurs, est très probablement rocheuse, comme notre planète, et sa masse minimale vaut 1,3 fois celle de la Terre. Enfin, elle se trouve à 7 millions de kms de Proxima du Centaure, soit 20 fois plus près que la Terre ne l’est du Soleil : mais son étoile, simple naine rouge, est bien moins brillante que la nôtre. Proxima b se situe donc bien dans la zone habitable, et sa température autoriserait la présence d’eau liquide à sa surface.

La présence d’une planète autour de Proxima du Centaure était soupçonnée depuis des années. Son existence est aujourd’hui avérée au terme d’une campagne de deux années de recherche, baptisée « Pale Red Dot » [1], intensifiée depuis six mois : elle a alors mobilisé le spectographe Harps installé sur le télescope de 3,6 mètres de l’ESO à la Silla (Chili), le télescope ASH2 installé à l’Observatoire des explorations célestes de San Pedro de Atacama (Chili) et les 18 télescopes du réseau de Las Cumbres.
Combinées à des relevés d’observations antérieures effectuées entre autres depuis les observatoires de l’ESO, les nouvelles observations collectées durant 60 nuits ont fini par permettre de détecter une très faible oscillation d’une période de 11,2 jours de la vitesse radiale de Proxima du Centaure – à peine 5 kilomètres par heure – signature de l’attraction gravitationnelle produite par Proxima b, et de la distinguer du signal produit par l’activité magnétique de l’étoile. Proxima b effectue donc une rotation complète autour de son étoile en 11,2 jours.

Les naines rouges telles que Proxima du Centaure sont des étoiles actives dont certaines variations peuvent faire croire à la présence d’une planète. Afin d’exclure cette possibilité, l’équipe a attentivement surveillé les variations de luminosité de l’étoile au cours de la campagne, au moyen du télescope ASH2 et de l’observatoire de Las Cumbres. Les mesures de vitesse radiale effectuées avec Harps acquises lorsque l’étoile s’activait furent exclues de l’analyse finale.
La détection d’exoplanètes étant un thème de recherche très populaire, l ‘équipe du projet « Pale Red Dot » avait mis en ligne un site Web dédié à ce projet sur lequel le public pouvait suivre l’avancement des observations. Les carnets de campagne étaient accompagnés de nombreux articles de vulgarisation portant sur les exoplanètes et la physique stellaire, rédigés par des spécialistes du monde entier.

Ces résultats publiés dans Nature s’accompagnent de travaux complémentaires concernant ce système planétaire. L’habitabilité de cette planète, c’est-à-dire la possibilité qu’elle abrite de l’eau liquide à sa surface, a été étudiée par deux autres équipes majoritairement françaises, dont des chercheurs du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux) et du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/UPMC/ENS Paris/Ecole Polytechnique). Leurs articles, actuellement soumis à la revue Astronomy & Astrophysics, sont déjà consultables en ligne sur l’archive ouverte arXiv.
Ces études montrent que bien qu’elle constitue un excellent candidat de planète propice à l’eau liquide et pouvant abriter la vie, Proxima b ne peut pas être considérée comme une jumelle de la Terre. L’histoire de Proxima b et de son étoile a été radicalement différente de l’histoire de la Terre et du Soleil. La formation de Proxima b, son irradiation par son étoile, les forces de marées qu’elle subit et qui affectent sa structure interne et sa rotation, n’ont pas d’équivalent dans l’histoire de notre planète.

Les détections de planètes rocheuses en orbite autour d’étoiles naines M actives vont se multiplier dans les années à venir avec la mise en service d’instruments dédiés tels que SPIRou. Ce spectropolarimètre proche-infrarouge international, développé par la France, sera mis en service en 2017 au Télescope Canada France Hawaii (TCFH) situé au somment du volcan Mauna Kea à Hawaii.
Référence
A terrestrial planet candidate in a temperate orbit around Proxima Centauri, par G. Anglada-Escudé et al., 25 août 2016, Nature.
Contact
Julien Morin, LUPM, CNRS & Université de Montpellier
[1] L’appellation Pale Red Dot fait écho à la dénomination attribuée par Carl Sagan à notre Terre : « pale blue dot » (point bleu pâle). Proxima du Centaure étant une étoile de type naine rouge, sa planète baigne au sein d’une pâle lueur de couleur rouge.